Nous gravissons la colline, traversons les chambres où reposent les crânes et les fémurs – nous aimerions les enterrer, m’explique le gardien, mais nous devons montrer à ceux qui nient que c’est arrivé, que c’est arrivé. La résistance tutsie qui s’organise, tient la colline. Puis le gouvernement réunissant les milices qui ont « terminé » alentour afin de réduire à néant ceux qui ont encore la force de se battre au Bisesero. Lorsque l’armée française arrive, ils sont encore près d’un millier. Installer un camp de réfugiés pour enfin dormir, boire, manger, se soigner ? Non. Les Français s’en vont et les miliciens reviennent. Le chemin du mémorial devient étroit, raide, escarpé. Il n’y a qu’une direction, monter. Monter vers le sommet de la colline, monter vers la sépulture commune des assassinés du Bisesero. Monter vers la mort. Comme ils l’ont fait. Derrière l’immense tombe – des dizaines de milliers de corps y reposent – le gardien m’indique une simple maison de pierres, pour parler, soigner les gens d’ici qui parfois vont mal, même les jeunes, ceux de l’après. Avant de redescendre – car nous, nous le pouvons – le gardien me touche le bras, il veut encore me dire une chose. Il veut me dire qu’à la fin, pas plus de cinq femmes tutsies ont survécu. Les hommes étaient plus nombreux, alors ils se sont mariés avec des femmes hutues. Et ils ont fait des enfants. Des enfants rwandais.