Il pleut. Les éclairs zèbrent le ciel de Kinshasa, le tonnerre fait sursauter les filles pendant que les hommes tentent de faire les fiers et l’eau colonise la ville. L’électricité disparaît partout où on ne peut se payer une génératrice, c’est-à-dire presque partout. La pluie charrie les déchets au fleuve, creuse la route. Quelques voitures téméraires zigzaguent entre les lacs du jour. La pièce aura-t-elle lieu ? Peu importe, nous roulons tant bien que mal jusqu’au théâtre. Et ils sont bien là, les acteurs et les spectateurs, mais la salle n’a pas encore de toit, impossible de jouer sous le déluge. Je ne comprends pas, m’impatiente, que faisons-nous ici ? Mes habitudes de voyageuse reprennent heureusement le dessus, observer, faire comme les autres. Alors j’attends, on discute de voitures en voitures, des friandises à la cacahuète capables d’engraisser un balai anorexique font leur apparition, j’apprends des choses, je ris. Puis, on décide de jouer. Vite oubliées les quelques gouttes, on nous emporte, on s’exclame, on a peur, on rit, on s’émeut. J’applaudis, regarde le ciel nettoyé par l’orage, les étoiles. Le théâtre, ça n’a rien à voir avec les toits, mais tout avec la pluie.
Rédigé en résidence à Kinshasa dans le cadre du projet GenevAfrica