La nuit est tombée sur Abomey, la ville des grands palais royaux du Bénin. Dans la voiture, nous sommes cinq à nous demander sur quelle terrasse nous allons souper lorsque tout change. L’air se serre, quelque chose de terrible et de merveilleux. On entend des cris, une agitation confuse, une foule tendue soudain partout dans la rue. Egunguns. Deux, deux revenants déambulent d’une démarche lente, pesante alors que tout autour d’eux semble tourner à grande vitesse. Nous les entrevoyons par les fenêtres de la voiture, superbes dans leurs parures de l’autre monde. Nous partons très vite, la chose n’est pas anodine, ces esprits viennent de l’autre côté, on ne peut pas être touchés pas eux, selon la tradition Vodoun, nous devrions en mourir et on ne saurait prendre ce risque. Dans notre voiture, une vierge Marie et un crucifix règnent sur le pare-brise, notre chauffeur est catholique, assurément. Pourtant, dès qu’il les a aperçus, il a activé le verrouillage centralisé des portes. C’est qu’ici, c’est le Bénin, on a beau adorer Jésus ou Mahomet, on ne peut pas oublier d’où l’on vient.
Rédigé en résidence au Bénin sur l'invitation de Laboratorio Arts Contemporains avec le soutien de Pro Helvetia