L’orchestre joue, on commence à s’agiter, ici plutôt bien, là-bas plutôt mal, bientôt se détache un couple, puis deux. Comme partout ailleurs, les grands dansent plus maladroitement que les petits et les garçons glissent leurs mains sur les filles, tantôt heureuses, tantôt fatiguées. Je regarde les pieds, les hanches, c’est joli, c’est doux, c’est tentant. On me tend la main, une fois, deux fois, trois fois. Le rythme caresse les corps, on ondule sans effort. Juste à la lisière du monde, un grand-papa regarde, écoute. Un vieillard habillé de vêtements élimés, signe d’extrême pauvreté. Il bouge discrètement, doucement, mais à y regarder de plus près, la musique, l’harmonie se dégagent de ses pieds, de son bassin tout disposés à enflammer la piste, étourdir les femmes et éclipser les musiciens. Mais il n’ose pas, il n’ose plus. Trop vieux, trop pauvre ? Une vilenie quelconque prive la nuit kinoise de sa grâce, mais tout n’est pas perdu, deux yeux bleus l’ont devinée.
Rédigé en résidence à Kinshasa dans le cadre du projet GenevAfrica