La voiture cahote sur la piste qui mène au village. Il faut continuer à pied. Nous sortons les sacs de pommes terre, la farine, les haricots et le sel. Les aides se précipitent pour porter les provisions, mais ils ne peuvent rien contre la pluie qui s’annonce. On s’inquiète beaucoup pour mes cheveux, on me couvre la tête d’un pagne – impossible d’expliquer que les cheveux des Blancs ne craignent pas l’humidité. La maman qui reçoit la nourriture a 5 enfants et un mari, parti. La communauté lui a trouvé des tôles afin de protéger sa baraque, mais elle ne possède rien d’autre. Le banc sur lequel on m’assoit a été emprunté au voisin. L’averse se déchaine, il faut attendre. Les enfants m’observent. Je les prends en photo et leur montre leur propre reflet sur l’écran. Leur rire couvre le tonnerre. On me tend un parapluie, je repars déjà. La pluie est douce à présent, je peux entendre de petits pas derrière moi. La maman me suit. Je la couvre du parapluie et sous l’intimité de l’objet, je comprends. Je comprends qu’elle n’a pas peur de l’avenir, son grand sera bientôt taxi vélo et elle envoie tous les petits à l’école et puis la communauté veille. Lorsque je reviendrai, elle m’assoira sur son propre banc et m’offrira à boire et à manger. Je n’en doute pas un instant.