Elle siège à côté du roi. Elle porte les mêmes vêtements, magnifiques tissus jaunes et orange, foulard blanc à pois noirs, bijoux et chapeau. Élégance des grandes occasions et des grands personnages. Une élégance unisexe qui serait très moderne en Occident. Devant eux, on s’agenouille et le roi indique qu’elle aussi, il faut la saluer et par la même accolade. En ce mois de janvier, elle prendra dans ses bras frêles des milliers de fidèles et d’invités. Elle ne montre aucun signe de fatigue ou d’ennui. Sous mes doigts, la peau de ses petites épaules reste fraiche et sèche malgré la chaleur. Une très belle enfant, calme et rieuse. Une enfant de huit ans que l’oracle, le Fâ, a désignée. C’est elle le pendant féminin de Dada, le Chef suprême du Vodun. Un siècle que la place était vacante, que les candidates se pressaient, que l’oracle se taisait. Un siècle et puis c’est elle, Nagbo. Elle et son grand-père forment une entité, masculine et féminine, enfin complète. Toute une vie de femme attend cette petite fille de huit ans, une vie qu’elle pourrait bien passer à la tête du monde Vodun. Est-il prêt, ce monde, à un tel changement, à une telle transformation ? Je ne suis pas oracle, je ne sais pas si j’ai rencontré la première reine du Vodun, mais je parie sur Ouidah plutôt que Rome pour ce qui est du progrès.
Rédigé en résidence au Bénin sur l'invitation de Laboratorio Arts Contemporains avec le soutien de Pro Helvetia