J’ai toujours aimé les bains publics. Partout où cette culture subsiste, je m’y glisse, m’y laisse cajoler par des mains expertes. À Alger, ce seront celles de Patricia. Comme toutes les femmes qui officient au hammam, elle est noire, Patricia. Son accent dit que comme moi, elle ne vient pas d’ici, même pas du grand sud algérien. Un impact de balle a laissé une cicatrice au bas de sa mâchoire. C’est une guerre qui lui a fait traverser le Sahara, à Patricia. Elle me frotte, me masse, me parfume avec ses savons, ses crèmes et son joli français. Les yeux de Patricia sont si tristes que j’aimerais la faire rire, lui dire que jamais je n’aurais pensé devoir porter au hammam, ce sanctuaire du féminin, le slip qu’elle a soulevé de toutes les façons – parce que bon, le gommage, c’est bien partout – et que par conséquent, je vais me retrouver toute nue dans mon pantalon pour avoir préservé une pudeur dont tout le monde se fout. Mais je n’ose pas. Elle est déjà partie vers une autre cliente, Patricia.
Écrit dans le cadre d'un voyage de recherche financé par Pro Helvetia