La ville. La ville en avalant ses trottoirs, en se perdant dans ses recoins, en usant les semelles sur son béton. J’aime marcher dans les rues, les tensions s’allègent, les pensées parasites se dissolvent, les idées peuvent émerger. J’aime marcher dans la rue, seule. Alors il y a des hommes qui sollicitent, intimident, touchent. Et ceux qui ne comprennent décidément pas pourquoi tu cherches les problèmes, prends donc un taxi. Ceux qui minimisent tu exagères, ça n’arrive pas chez nous. Et ceux qui savent à ta place tu adores ça, avoue. On se fait aux uns et aux autres, parfaire ses techniques d’évitement, polir ses arguments et fuir lorsqu’il le faut. Vingt-cinq ans, déjà vingt-cinq ans que mon corps transporte des jugements et des fantasmes qui me sont étrangers. On s’habitue, on gère. Alors ce matin, lorsqu’un type klaxonne sur mon passage, la chose glisse sur moi sans retenir mon attention. Mais voilà qu’il fait demi-tour, ralentit, s’arrête à ma hauteur. Il baisse la vitre, il n’y a personne côté passager. Il est bien trop loin pour m’agripper, alors je relève la tête et l’écoute. Il s’excuse. Il croyait qu’on se connaissait, mais il a réalisé que non. Il dit pardon, il ne voulait pas m’importuner, me souhaite une bonne journée. Nous nous sourions. Sur le siège arrière, une jolie fillette nous a observés. Elle vient d’apprendre comment se comportent les hommes, les vrais.