Une bonne copine, un apéro arrosé, 22h30, il est encore tôt, la ville frémit de vie, mais il est temps de rentrer. Boire un grand verre d’eau et se coucher, c’est que demain, il y a du travail. À l’arrêt du tram, je l’entends, il est saoul, il chante, parle à on ne sait qui. Il se lève, descend la marche symbolique qui mène aux voies. Des passants l’interpellent. Le tram arrive, il ne faut pas rester là. Il ne bougera pas, il pourrait se blesser et je veux rentrer – je n’ai rien d’une sainte – s’il y a un accident, la ligne ne m’amènera jamais chez moi. Alors je prends ma voix et mes mains de maman et je vais l’agripper. Il résiste, il est lourd, même sobre il le serait, je le tire, il finit par faire les quelques pas qui le ramènent à quai. Il me regarde, surpris, il me dit que je suis belle. Je le lâche, déjà toute prête à l’oublier lorsqu’il me crie qu’il ne l’aurait pas fait, pas ce soir. Bien sûr, ils ne vont pas assez vite, bien sûr, c’est absurde, on ne se tue pas à l’arrêt d’un tram genevois. Mais je sens ce froid qui n’est pas celui de l’hiver. Et je me demande qui le ramènera sur le quai demain et toutes les autres nuits.