Le petit matin dans le petit train. Mon thermos de thé, un livre, quinze minutes de trajet, le soleil n’aura pas le temps de se lever sur le plus beau des lacs. Un grand homme entre dans le petit train. Il porte une doudoune, une casquette, de larges écouteurs dans le cou et sur son visage couleur caramel, des tatouages s’affichent. Son allure me fait songer à ces hommes de main, ces hommes dangereux qui vous laissent deviner les armes qu’ils portent à la ceinture. Ces hommes croisés dans des zones d’Amérique latine où l’extrême violence affleure comme je ne l’ai senti nulle part ailleurs. Son espagnol harmonieux confirme cette drôle d’impression. Mais les mots qu’il chuchote, il les adresse à une toute petite fille qu’il tient par la main. Dans son autre grande main, c’est son minuscule sac rose qu’il tient. Un repenti ? Un témoin protégé, un athlète, un artiste qui joue de cette allure trouble et coule une paisible retraite au bord du Léman ? Une seule chose est sûre, cet homme-là, c’est un papa.