Plonger le saut dans la rivière, le remplir de sable lourd et mouillé, tendre tous les muscles, un grand geste entre l’épaule et la tête, remonter jusqu’au tas, soulever plus haut et vider le poids. Bref soulagement. Puis encore. Encore. Encore. Il fait plus de quarante degrés sous le soleil du dimanche matin. La plupart des Kinois cherchent dieu dans leur église, mais pas nous – bien à l’abri dans notre vieux 4X4 – et surtout pas eux. Eux, ils travaillent. On viendra acheter leur sable pour construire sa villa particulière ou trois immeubles chinois, peu importe pour qui, ils le sortiront de la terre même le jour du seigneur. Eux, ils ne s’arrêtent pas pour prier, ils ne s’arrêtent pas parce qu’il fait trop chaud, ils ne s’arrêtent jamais. C’est leur corps qui le dit, qu’ils ne s’arrêtent jamais. Des corps ruisselants, à peine vêtus, exposés sans pudeur. La pudeur, luxe inaccessible pour ces corps réduits à l’utilité. Membres, muscles, peau, adaptés aux cruels gestes mille fois répétés de l’homme sacrifié au travail du sable.
Rédigé en résidence à Kinshasa dans le cadre du projet GenevAfrica