À Sétif se trouvent un tram flambant neuf, les vestiges d’une colonie suisse et une curiosité, la fontaine d’Ain El Fouara. En plein centre-ville, une statue de l’époque coloniale, une femme, nue. Un jour d’avril 1997, les islamistes la dynamitent. L’impudique est brisée en plusieurs morceaux qu’on rassemble, répare à la demande express des Sétifiens. En à peine deux jours, la statue est restaurée. Vingt ans plus tard, on l’attaque encore, au burin cette fois. On la défigure, on lui brise les seins. La féminité comme une saleté. Mais à nouveau, Sétif refuse. On rafistole, on redonne ses contours au vieux marbre fatigué. Dans cette ville où on ne voit que rarement les cheveux des filles, on ne renoncera pas à Ain El Fouara, symbole de Sétif, la pourtant si conservatrice. Symbole aussi peut-être d’une résistance à l’étouffant conformisme qui pousse par ici les filles à cacher leurs cheveux.
Écrit dans le cadre d'un voyage de recherche financé par Pro Helvetia