J’ai toujours aimé le changement. Pourtant, depuis quelque temps, j’ai peur. J’ai peur de la rupture du monde tel que nous le connaissions. Pas que j’ai tant aimé l’état de cet Ancien Monde, mais cette nouvelle ère dans laquelle nous sommes jetés comme des chiffons sans valeur, je la crains, fort. Je ne sais pas ce qu’il faudrait faire pour résister, tout me semble vide de sens face à la gravité du danger. On me dit qu’écrire est important, mais moi, je n’écris que sur de vieilles choses que je trimballe avec moi des années, voire des décennies. Je ne sais rien faire avec du maintenant. Alors je ne fais rien. Je continue ma vie, je me rends à des fêtes. Lors d’une de ces fêtes, on dévoile une toile urbaine, féministe. Une collection de femmes, d’associations qui nous parlent d’égalité. C’est écrit sur la toile, L’égalité se construit. Ensemble. C’est joli, mais c’est tout. Puis on met de la musique et on danse. Il est encore tôt, nous ne sommes pas saoules, mais nous dansons. Toutes différentes, jeunes et jolies appréciées des hommes, butchs sans concession, grand-mères à paillettes, élégantes businesswomen, nous dansons. Libres, joyeuses, malgré les violences, le corps douloureux et l’âme écorchée. Des femmes qui dansent, des femmes qui luttent. Sur le chemin du retour, je fais toujours attention aux hommes derrière moi, en un sens rien n’a changé, mais le béton des trottoirs me semble moins dur, moins hostile. Je crois que j’ai compris ce qui écrit sur la toile, L’égalité se construit. Ensemble.