Il fait très chaud en ce dimanche matin. Un petit groupe se forme devant le cimetière. La guide arrive à grands pas dynamiques, ouvre les grilles et les referme à clé dès que nous sommes à l’intérieur. Aucun policier ne protège le vieux cimetière juif de Dresde. Elle nous raconte les histoires des familles les plus illustres, nous indique les tombes les plus anciennes et répond aux questions des vieux Allemands qui ont besoin de dire qu’il y a des différences, mais aussi plein de similitudes avec leurs cimetières. L’absence de fleurs semble les gêner, je place un petit caillou sur une tombe et je passe mes doigts sur les inscriptions en allemand. C’est fini. Ces familles, cette culture, c’est fini. Dans le cimetière juif moderne, les inscriptions sont en russe. Les Juifs qui vivent aujourd’hui à Dresde viennent d’ex-Union Soviétique, ils sont arrivés dans les années 1990. Les descendants, les héritiers qui pourraient placer de petits cailloux sur ces tombes ont été chassés, assassinés. En 1933, la communauté juive de Dresde comptait 5400 membres, à l’issue de la guerre, ils n’étaient plus que 12. Ces stèles érodées, ces arbres et les herbes folles, ces grilles fermées à clé, ce sont des traces. Des traces devenues mémorial d’un monde disparu.